« Différente » : un film sensible et vrai sur l'autisme au féminin
Découvrir son autisme à l'âge adulte : un chamboule-tout intérieur
La plupart des films se contentent de raconter des histoires. Certains, en revanche, touchent quelque chose d'intime et de profond et vous bouleversent car ils parlent de nous. Différente, de Lola Doillon fait partie de ceux-là. Ce film met en lumière un sujet souvent mal traité : le diagnostic d'autisme tardif chez les femmes.
Loin des clichés sur l'autisme, Différente raconte le chemin de Katia, jeune et talentueuse documentaliste, souvent « à côté de ses pompes », considérée comme « bizarre
», « inadaptée », « fatigante », qui finit par apprendre qu'elle est autiste.
Le film ne décrit pas le diagnostic en lui-même, mais raconte tout ce qui le précède – l'incompréhension, l'errance, la solitude – et ce qui suit – la tempête intérieure,
les doutes, la violence des réactions extérieures, les remises en question.
Toute l'intrigue repose sur son histoire d'amour avec Fred (sympathique Thibaud Evrard), aussi chaotique que la vie de Katia. Leur idylle sera mise à rude épreuve pendant ce parcours diagnostique
et après.
Un portrait juste et sans caricature du burnout autistique
Ce que le film montre avec justesse, c'est la manière dont s'installe l'effondrement, invisible aux yeux des autres. On comprend ce que vivent bon nombre de personnes autistes non diagnostiquées :
- La surcharge sensorielle dans certains environnements
- Le masque social porté au quotidien, l'effort d'adaptation permanente
- La fatigue constante d'avoir à « faire semblant »
- La violence des décalages et « bizarreries » que l'entourage ne comprend pas
- Le besoin d'isolement et de silence
Katia vit tout ça de moins en moins bien. Coincée entre un compagnon dépassé, une mère dans le déni et un quotidien qui la met constamment en échec, elle surnage, survit, observe, tente de comprendre, s'épuise et finit par s'effondrer. Elle finit par s'isoler, se cacher, refusant tout contact extérieur qui pourrait être délétère pour elle.
Un jour, fortuitement, au détour d'une interview improvisée, tout prend sens. Ce qui n'était qu'un flot de critiques, d'échecs, de culpabilité est enfin identifié. elle découvre qu'elle n'est ni
cassée, ni fragile, ni « trop » (suivi des qualificatifs les plus péjoratifs).
Elle est « simplement » autiste.
Le diagnostic : du soulagement… à la recherche de solutions
C'est le moment du film le plus fort. Le scénario ne se termine pas à ce diagnostic. Il nous montre l'après diag., ce moment charnière où tout change… et rien ne change. Katia le résume dans cette réplique : « Je ne veux plus être ce que les autres attendent de moi. Je veux juste être moi, même si ça dérange ».
Cette annonce s'accompagne d'une salve de questions :
- Dois-je en parler à mon entourage ? Et comment ?
- Dois-je en parler à mon employeur ? j'ai peur qu'il me complique la vie ou qu'il me licencie
- Est-ce qu'on va me croire ?
- Serai-je reconnue dans mes particularités autistiques ? Ou rejetée ?
Les réactions varient grandement : certains se mettent en soutien, d'autres fuient ou nient le diagnostic.
Autisme : ce mot dérange, fait peur, déformé par tant de clichés et fausses informations.
Il oblige à revoir le passé avec un autre regard, ce qui n'est pas confortable pour certains..
Katia entend cette phrase lors du diagnostic, qui peut, à elle seule, résumer le film :
« Vous n'êtes pas incapable, vous n'êtes pas inférieure, vous êtes différente. »
Pour beaucoup de personnes autistes qui découvrent leur neuroatypie à l'âge adulte, cette simple phrase est une libération.
Un film pour se reconnaître, se comprendre, se réparer
L'interprétation de Jenny Beth, intense et pudique, donne au film une réelle authenticité. Rien n'est surjoué, rien n'est forcé, tout sonne juste. C'est sans doute pour cela que beaucoup se reconnaitront dans le personnage de Katia.
Différente est aussi un miroir tendu à toutes celles et ceux qui ont longtemps pensé être « trop sensibles », « pas assez sociaux », « inadaptés », « paresseux », « étranges », « à côté de la plaque »… et j'en passe.
On comprend mieux les conséquences du poids des normes, le regard des autres, l'isolement intérieur. On admire aussi la force de celles et ceux qui osent être eux-mêmes, malgré tout.
Un film à voir absolument, surtout si vous accompagnez des personnes atypiques
Que vous soyez vous-même autiste ou concerné par l'autisme en tant que parent, éducateur, thérapeute… ou désireux de comprendre, visionnez ce film.
Il ne vous laissera pas indifférent.
- Il dit tout haut ce que beaucoup vivent tout bas
- il donne des mots à l'indicible et du sens à ce qui semble flou
- Il rétablit la dignité de ceux qui ont passé leur vie à croire qu'ils étaient « défectueux »
Surtout, il nous démontre ceci :
Ce n'est la faute de personne. Ce n'est pas de la faiblesse. C'est une autre façon d'être au monde.
ET VOUS ?
Avez-vous vu Différente ?
Vous êtes-vous reconnu dans le personnage de Katia ou dans un personnage de son entourage ?
Je serai heureuse de lire vos impressions en commentaire ou par message privé.
Écrire commentaire