santé mentale des jeunes : l'urgence que la France ne veut pas voir
Pourquoi les solutions actuelles échouent face aux besoins des adolescents atypiques
La France vit une crise sanitaire silencieuse. En 2022, ce sont 9 200 vies qui se sont éteintes par suicide. derrière ce chiffre sec se cachent des visages, des histoires, des familles brisées. Ces données récentes, issues du rapport 2025 de Santé publique France, nous rappellent que personne n'est à l'abri.
Quelques chiffres éloquents
Ce qui glace le sang, c'est que les moins de 25 ans sont désormais parmi les plus touchés par les idées suicidaires et les gestes d'auto-agression.
Depuis 2020, le nombre d'hospitalisations pour auto-agression chez les filles de 10 à 19 ans a bondi de 133 %. Chez les garçons du même âge, la hausse est de 47 %.
Les idées suicidaires ne sont plus un sujet marginal, elles deviennent une réalité quotidienne pour une part croissante de notre jeunesse.
Pourtant nous continuons de parler de « mal-être adolescent » comme s'il s'agissait d'une crise passagère, alors que les chiffres disent autre chose : nous sommes face à une crise sanitaire majeure.
Les angles morts des réponses actuelles
Face à cette augmentation importante des détresses, les réponses institutionnelles existent… mais elles sont souvent trop tardives, trop uniforme et parfois inadaptées.
PRISE EN CHARGE TROP TARDIVE
On attend souvent que l'ado soit au bord du gouffre pour agir : hospitalisation d'urgence, mise sous traitement lourd, thérapies imposées sans adhésion réelle.
Résultat : on éteint un incendie à coups de seaux d'eau, mais la braise couve sous la cendre, prête à s'enflammer à nouveau.
UN MAUVAIS DIAGNOSTIC
Dans ma pratique, je croise régulièrement des jeunes diagnostiqués « dépressifs » alors qu'ils sont en réalité en figement, un état physiologique de blocage total, décrit par la théorie polyvagale.
Ce figement, c'est la réponse ultime du corps face à un stress prolongé : il coupe le jeune de ses émotions, fige ses pensées et le vide de son énergie.
LA PRESSION D'ÊTRE « CONFORME À LA NORME »
Le fameux « Fais des efforts » est encore la réponse réflexe de nombreux parents, enseignants, même de thérapeutes.
On demande au jeune de se conformer au système plutôt que d'adapter le système au jeune.
C'est un peu comme dire à quelqu'un qui s'est cassé la jambe : « Essaie de courir, ça va passer ».
Les ados atypiques : les grands oubliés des statistiques
Quand on parle de santé mentale, les adolescents atypiques (autistes, TDAH, HPS, HPI, Dys, etc.) sont rarement cités dans les rapports officiels.
Ce sont pourtant les plus vulnérables.
UN RISQUE MULTIPLIÉ
Ces jeunes sont plus exposés au burnout et à la phobie scolaire pour plusieurs raisons :
- Surcharge sensorielle : bruits, lumières, odeurs, contacts physiques envahissants
- Bruit latent : stress constant, même dans des environnement apparemment calmes
- Suradaptation : faire semblant d'aller bien en cachant leurs difficultés, jusqu'à ce qu'ils n'en puissent plus et s'effondrent d'épuisement
- Rigidité cognitive : routines nécessaires à leur stabilité, malmenées par les imprévus permanents de l'école et de la vie de famille
Ce bruit latent, la plupart des gens le filtrent sans efforts. Chez les ados atypiques, tout contribue à grignoter leur énergie, jour après jour.
UNE SOUFFRANCE INVISIBLE
Beaucoup de jeunes masquent tellement bien leurs difficultés que les adultes ne voient pas leur détresse. Ils se tiennent droits, sourient, donnent des réponses polies s’écroulent littéralement
lorsqu’ils rentrent chez eux. Ils cherchent à « être comme les autres. »
Ce masquage social demande une énergie colossale (non, ce mot n'est pas exagéré).
Certains parents me disent :
« Les profs ne nous croient pas. Ils disent qu'à l'école tout va bien. »
Un jour pourtant, le corps dit « stop » et c'est l'effondrement, autrement dit le burnout atypique.
UN EXEMPLE CONCRET
Je me souviens d'un lycéen que j'ai accompagné.
Le diagnostic posé était la dépression. Des anti-dépresseurs lui avaient été prescrits.
En réalité, il était en figement total depuis des mois à force de se forcer à s'adapter aux attentes de son lycée
Quand on a travaillé sur ses déclencheurs sensoriels et qu'on a adapté son environnement. sans jamais avoir eu besoin de
« le pousser » à faire plus d'efforts.
Une autre voie est possible
Dans ma pratique, je refuse de demander à un ado de s'adapter coûte que coûte à un système qui ne veut pas de lui.
Mon approche repose sur une idée simple : on ne répare pas un adolescent en le forçant à ressembler à un ado idéal.
LA PSYCHOÉDUCATION COMME BASE
Je commence toujours pas leur expliquer ce qui se passe dans leur corps et dans leur cerveau.
Quand un jeune comprend qu'il n'est pas cassé, mais qu'il réagit à un excès de stress, il retrouve une part de contrôle et reprend espoir.
IDENTIFICATION FINE DES DÉCLENCHEURS
On explore ensemble :
- Les moments de la journée qui l'épuisent
- Les bruits, les lumières ou interactions qui les stimulent à l'excès
- Les situations sociales qui déclenchent son figement
On fait ensemble la cartographie précise de ce qui l'épuise.
DES SOLUTIONS CONCRÈTES ET SUR MESURE
Les solutions possibles sont :
- Aménager les horaires solaires
- Utiliser des outils sensoriels pour se réguler
- Créer des zones de calme sensoriel
- Réduire les sources de bruit latent
- Mettre en place des micro-pauses stratégiques
Les parents sont souvent en détresse face à un jeune qui « ne veut plus rien faire ».
Je les aide à voir ce que l'ado vit réellement et à remplacer la pression par du soutien.
Ce que les chiffres nous ordonnent de faire dès maintenant
Ces données de Santé publique France ne devraient pas être juste là pour justifier un rapport.
Elles devraient être un signal d'alarme pour changer radicalement notre approche.
CHANGER LE DISCOURS PUBLIC
Passer de « il faut que le jeune s'adapte » à « réparons l'environnement dans lequel ils grandissent ».
FORMER LES PROFESSIONNELS
Enseignants, médecins, éducateurs : leur donner les clés pour repérer un burnout atypique ou une phobie scolaire, au lieu de conclure hâtivement à de la paresse ou un manque de
volonté.
CRÉER DES ESPACES DE PRÉVENTION CIBLÉE
J'ai mis en place des diagnostics express, des outils d'auto-évaluation, des accompagnements hybrides où le jeune apprend à se connaître et à se protéger
AVANT que la crise n'éclate.
Plus aucun jeune ne doit être exclu, dans le plus grand silence
Chacun des chiffres que j'ai cité plus haut correspond à un jeune, à un visage, une personnalité unique, à une histoire, à un potentiel brisé ou sauvé.
Collectivement, nous avons le choix de :
- Continuer à traiter les symptômes lorsqu'il est trop tard
ou - Agir dès les premiers signes, en écoutant réellement ce que vivent les ados, les jeunes, en les prenant au sérieux, en particulier ceux qui sortent des cadres.
Les adolescents atypiques ne sont pas fragiles par nature.
Ils ont été fragilisés par un système qui refuse de tenir compte de leur fonctionnement singulier.
Changer ce système n'est pas un luxe. C'est devenu une vraie urgence.
Je m'adresse à vous
PARENTS
Écoutez les signaux faibles que vous envoient vos enfants et croyez ce qu'ils vous disent (quand ils s'expriment).
Si votre enfant se fige, s'isole ou est épuisé sans raison apparente, ne vous dites pas que « c'est juste l'adolescence ». Cherchez à comprendre le stress invisible qu'il subit.
PROFESSIONNELS
Osez changer de regard sur ces jeunes en souffrance (mais vous ne voyez rien si vous n'avez pas les bonne lunettes).
Un élève qui ne « fait plus rien » est peut-être en mode survie, pas en phase de rébellion.
INSTITUTIONS
Vos statistiques sont là, bien réelles, et il est important de connaître ces données chiffrées.
Mais cela ne suffit pas pour comprendre ce qui se passe.
Ce sont les histoires, les vécus qui vous donneront des pistes d'action, je dis bien ACTION.
Derrière chaque statistique, il y a un prénom, un rire, un rêve
les adolescents atypiques ne pas fragiles par nature. Ils sont fragilisés par un monde
qui ne veut pas ralentir pour eux, qui ne les laisse tomber par manque d'écoute et de soutien.
À nous de choisir : continuer à les perdre en route ou apprendre à les accueillir tels qu'ils sont et à révéler leur potentiel.
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