La veille de la rentrée est un moment charnière
Dimanche soir. La plupart des familles préparent les tenues, remplissent les cartables, ajustent les emplois du temps. Dans beaucoup de foyers, une certaine excitation règne, mêlée de stress ;
vous connaissez sûrement ce savant mélange d'anticipation et d'appréhension propre au début de l'année solaire.
Dans le même temps, pour d'autres familles, ce dimanche soir est vécu comme une véritable épreuve. L'atmosphère se charge d'angoisse, le corps de l'ado commence à se contracter, parfois même à
trembler. Certains se replient sous leur couette, d'autres pleurent sans pouvoir expliquer clairement pourquoi. Les parents, eux, ressentent un mélange d'impuissance et d'inquiétude, parfois de
culpabilité.
La phobie scolaire, bien qu'encore trop souvent incomprise, est une réalité pour des milliers d'enfants et d'adolescents. On ne parle pas d'une simple peur passagère ni
d'un accès de fainéantise. C'est un épuisement profond, une anxiété qui paralyse, une détresse qui dépasse largement le cadre de la volonté ou de la
discipline.
À la veille de la rentrée, ces familles savent déjà que le lendemain matin ne sera pas celui des sourires et des photos devant l'école avec les copains. Pour eux, le lendemain sera synonyme de
larmes, de douleur, voire de honte ou de culpabilité.
Cet article est destiné aux jeunes et à leurs parents qui font face à cette situation difficile. Il ne cherche pas à vous offrir une solution miracle (car cela n'existe pas), mais plutôt à rappeler certaines vérités importantes, à démystifier les préjugés injustes et erronés. Surtout, je souhaite vous insuffler un peu d’air frais dans cette période ou l'étau se resserre.
Déconstruire les idées reçues sur la phobie scolaire
La première chose à savoir sur la phobie scolaire, c'est ce qu'elle n'est pas.
Ce n'est pas :
- Un caprice d'enfant
- Une déficience éducative
- Un défaut de motivation
- Un choix volontaire du jeune visant à énerver leurs parents ou à contester l'autorité scolaire
Malheureusement, ces idées fausses sont très répandues, tant dans les cours d'école que dans les couloirs des écoles ou lors des repas familiaux. Elles causent énormément de mal, car elles renforcent la culpabilité des parents et la honte des jeunes.
La phobie scolaire se manifeste par un épuisement émotionnel et physique, entraînant une anxiété insurmontable envers l'école.
Elle peut être déclenchée par de multiples facteurs, tels que la surcharge sensorielle, le harcèlement, la pression académique, les troubles neuro-développementaux, un traumatisme, ou,
simplement, un trop plein d'émotions accumulées sur une longue période.
Il ne s'agit pas une question de volonté : le jeune n'a pas choisi de ne pas y arriver.
Pourquoi la rentrée scolaire est-elle un moment aussi difficile ?
La rentrée cristallise de nombreux enjeux. Elle symbolise la reprise des activités, une sorte de moment de bascule après une période de relative détente.
- Le système scolaire est perçu comme rigide avec ses horaires stricts, ses règles à suivre, ses attentes de résultats uniformes. Pour un jeune en phobie scolaire, c'est comme un mur infranchissable.
- Le stress accumulé tout au long de l'année scolaire précédente n'a pas disparu pendant les vacances. Au contraire, il est resté en arrière-plan, prêt à ressurgir à la veille de la rentrée.
- Le cerveau en mode survie : lorsqu'un adolescent vit la phobie scolaire, son système nerveux active une alarme interne comme si sa vie était en danger. Cela explique les symptômes physiques (nausées, sueurs, douleurs abdominales, tachycardie) ainsi que l'incapacité à franchir le seuil de la porte.
Pour les parents, cela peut sembler incompréhensible : « Tu y es déjà allé pourtant, tu sais bien que tu n'es pas en danger à l'école. »
Le cerveau du jeune ne fait pas la distinction entre un danger réel et un danger perçu. C'est la même réaction que chez une personne ayant la phobie des araignées : elle sait rationnellement qu'une petite araignée ne peut pas la tuer, mais son corps réagit comme si elle le pouvait.
Ce que vit l'adolescent de l'intérieur
Mettons-nous un instant dans la peau de ces jeunes :
- Le cœur qui s'emballe à l'idée d'entrer dans la salle de classe.
- La gorge serrée, l'impression d'étouffer
- Le ventre qui se tord, parfois jusqu'à vomir
- Les pensées tournent en boucle : « Je n'y arriverai pas », « tout le monde va me juger », « je vais encore échouer »
- Le sentiment de solitude profonde, de décalage avec les autres
Ce qui est encore plus douloureux, c'est que la plupart de ces jeunes voudraient sincèrement y arriver. Ils rêvent de retrouver une vie scolaire normale, de partager la cour avec leurs camarades. Mais leur corps dit « NON ».
C'est un peu comme un sportif blessé qui aimerait courir, mais dont la jambe ne répond pas.
La blessure psychique est invisible, mais tout aussi réelle.
Ce que vivent les parents
Côté parents, la phobie scolaire est un séisme silencieux.
- Beaucoup ressentent une immense culpabilité : « qu'ai -je raté ? », « est-ce ma faute si mon ado n'arrive plus à aller en cours ? »
- Le regard extérieur est difficile à porter : jugement des proches, remarques de l'école, incompréhension de l'entourage
- La peur pour l'avenir du jeune : « que va-t-il devenir s'il ne va plus à l'école ? », « va-t-il gâcher sa vie ? »
- La fatigue émotionnelle : devoir soutenir leur ado en crise tous les matins les épuise, surtout lorsqu'aucune solution immédiate ne se profile à l'horizon
Ce que les parents méritent d'entendre, c'est qu'il ne sont ni coupables ni seuls.
Leur rôle n'est pas de « guérir » leur enfant du jour au lendemain, mais de l'accompagner au mieux sur ce chemin difficile.
Message important : si ton enfant ne va pas en cours lundi matin, ce n'est pas la fin du monde !
Voici ce que j'aimerais que chaque famille lise et garde en tête dès demain :
Si ton enfant ne parvient pas à aller en cours lundi matin, ne pense pas que c'est un échec. Ce n'est pas ta faute, ce n'est pas sa faute. Cela n'affectera en rien le reste de sa vie.
Manquer une journée, même un journée symbolique comme celle de la rentrée, ne signifie pas que toute sa vie et son avenir son fichus. La réussite d'un être humain n'est pas déterminé par le
nombre de jours de présence. Beaucoup d'adolescents ayant souffert de phobie scolaire ont fini par trouver leur voie, reprendre confiance en eux et progresser dans leur vie d'adulte.
La rentrée n'est qu'une étape, pas un verdict.
Ce qui compte, c'est de soutenir, d'écouter et de rester dans le lien. Le
chemin du rétablissement s'évalue non pas en fonction d'un instant, d'une seule journée, mais par rapport la capacité à tenir sur le long terme.
Comment soutenir son enfant dans ce moment difficile
Voilà quelques pistes concrètes pour ce dimanche soir et pour le lendemain matin :
- Écouter sans minimiser : accueillir les émotions de son enfant, même si elles paraissent démesurées
- Rassurer : rappeler que sa valeur ne dépend pas de sa présence ou son absence en cours
- Créer une bulle de sécurité : éviter de transformer la maison en champ de bataille le matin de la rentrée
-
Choisir ses mots : bannir les phrases du type « Fais un effort », « Force-toi un peu », « Tu exagères »
Préférer « Je comprends que ce soit dur pour toi », e reste là, avec toi «, « on trouvera une solution ensemble » - Valoriser les petites victoires : même en dehors de l'école, reconnaître chaque effort fourni par le jeune, qu'il ait réussi à se lever, à s'habiller, ou simplement réussi à exprimer ce qu'il ressent
Le rôle de l'école et des institutions : un système à ajuster
Beaucoup de familles se sentent abandonnées. Le système éducatif n'est pas toujours adapté et la phobie scolaire reste trop souvent perçue comme un problème individuel plutôt qu'un problème structurel.
Pourtant, les adaptations existent :
- Aménagements progressifs (temps partiels, horaires aménagés)
- Accompagnement par des enseignants spécialisés ou des dispositifs relais
- Coopération réelle entre la famille, l'école et les professionnels de santé ou de l'accompagnement
Le fardeau ne peut pas reposer sur les seuls épaules des parents et des jeunes. L'institution a aussi sa part de responsabilité.
Construire un chemin de rétablissement
Sortir de la phobie scolaire n'est jamais immédiat. Cela demande du temps, de la patience et un cheminement chaotique.
Voilà quelques repères :
- Le repos et la régulation sont indispensables avant de relancer la machine scolaire
- La psychoéducation (comprendre comment fonctionne l'anxiété et le stress) aide la jeune à reprendre le pouvoir sur ce qu'il vit, sur sa santé mentale
- Les accompagnements adaptés (coaching, thérapies brèves, soutien parental) peuvent être de vrais leviers
- Chaque petite victoire est à célébrer : sortir de sa chambre, parler de ses émotions, participer à une activité, même minime
Un mot pour les adolescents
À toi qui lis peut-être cet article, j'aimerais dire ceci :
Tu n'es pas le seul. Beaucoup de jeunes vivent ce que tu traverses, même si on n'en parle pas toujours.
Ce que tu ressens est réel et sérieux, ce n'est pas « dans ta tête ».
Tu n'es ni faible ni bizarre.
Tu es un être humain qui souffre et qui fait déjà beaucoup d'efforts, simplement pour essayer de « tenir », bien plus que la plupart des gens.
Ne crois pas que ton avenir est compromis parce que tu n'es pas allé à l'école un matin.
La vie est faite de chemins très différents.
II y aura toujours d'autres manières de te construire, de te réinventer et de trouver ta place.
En conclusion : la rentrée n'est qu'un jour parmi beaucoup d'autres
La société accorde beaucoup d'importance à la rentrée scolaire, comme si tout se jouait en un jour.
La vérité, c'est qu'une vie ne se définit pas par une photo prise un lundi matin, avec ses amis, devant le portail de l'école.
La phobie scolaire est un immense défi, certes, mais ce n'est aucunement une condamnation.
Elle demande de l'écoute, de la patience et de l'adaptation.
Elle révèle surtout combien nos jeunes ont besoin d'un système qui les comprend, plutôt de d'un système qui les écrase.
Ils ont besoin d'un système qui met les jeunes au cœur de son fonctionnement.
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