Sortir de la phobie scolaire : cela prend du temps. Vouloir aller trop vite provoque la rechute.
Chaque semaine, je reçois des mails de parents épuisés, bouleversés, parfois au bord des larmes :
- « Il faut qu’il retourne au lycée. Il ne peut pas rester comme ça. On a tout essayé. »
- « Elle dit qu’elle veut y aller, mais dès qu’on approche du portail, c’est la panique. »
- « On m’a dit qu’il fallait qu’il fasse un effort, qu’il se force un peu. Mais ça ne marche pas. »
Ces phrases, je les entends trop souvent.
Elles traduisent une même détresse : celle d’une famille qui voudrait que tout redevienne comme avant, que la vie reprenne son cours, que leur enfant recommence à sourire, que la peur s’évanouisse.
La phobie scolaire ne se « soigne » pas à coups de médicaments, comme une grippe.
Il faut surtout comprendre qu'on ne « guérit » pas de la phobie scolaire en forçant un adolescent à retourner en cours.
En réalité, la phobie scolaire n’est ni un manque de courage, ni de la paresse, ni un caprice.
La phobie scolaire, c’est une détresse sévère du système nerveux, c’est un effondrement du sentiment de sécurité et une incapacité physiologique à
affronter ce que le corps perçoit comme une menace.
Sortir de cet état prend du temps ; parfois beaucoup de temps.
La phobie scolaire n’est pas un refus de l’école
L'énoncé « refus scolaire anxieux » est celui qui est utilisé par l’Éducation nationale, comme si l’enfant refusait volontairement d’aller à l’école. Cette qualification est trompeuse.
Un jeune en phobie scolaire ne refuse pas l’école. Il souffre de l’école.
Il aimerait tant pouvoir y aller. Il aimerait apprendre, voir ses amis, avoir une vie « normale ».
C'est son corps qui finit par dire NON, car c’est une question de survie, pas un manque de volonté.
Son système nerveux, débordé, ne parvient plus à contrôler la peur.
C’est ce que la théorie polyvagale (Porges) explique : lorsqu’un individu vit trop longtemps dans un état de stress ou de danger, son corps peut y répondre en basculant un état de figement, de sidération. C’est un réflexe biologique.
Alors, quand on dit à un adolescent « allez, fais un effort », on ne fait pas qu’ignorer son état : on le plonge dans un immense sentiment de culpabilité, ce qui aggrave la crise.
Sortir de la phobie scolaire, ce n’est pas « reprendre les cours »
L’une des plus grandes erreurs commises dans l’accompagnement (observées autant chez les parents que dans les institutions), c’est de réduire la « guérison » à un seul objectif : le retour à l’école.
C'est comme si, tant que l’enfant était assis en classe, tout allait bien ; comme si sa présence physique dans la classe prouvait sa bonne santé mentale.
La réalité est bien différente :
- On peut être présent physiquement au lycée tout en étant absent intérieurement.
- On peut tenir quelques semaines et rechuter plus fort ensuite.
- On peut sourire le matin et s’effondrer le soir.
Le retour à l’école n’est pas la seule finalité ; c’est l’une des dernières étapes, qui ne doit jamais être précipitée.
Le danger de la suradaptation
Beaucoup d’adolescents atypiques (autistes, TDAH, hypersensibles, HPI, dys) ont appris dès l’enfance à :
- S’adapter en toute circonstance et tout le temps
- Cacher leurs difficultés
- Sourire quand ils vont mal.
- Faire des efforts permanents pour « rentrer dans le moule ».
Ils tiennent, tiennent, tant qu'ils le peuvent, jusqu’au jour où le corps dit STOP.
La phobie scolaire est souvent le signal ultime d’un état d’épuisement extrême :
« Je n’en peux plus de m’adapter à un environnement qui ne me correspond pas. »
Pourtant, face à cette crise, que fait-on le plus souvent ?
On demande à l’adolescent de continuer à s’adapter… encore, de faire un effort supplémentaire, de retourner dans le lieu à l’origine de leur souffrance.
Penser de cette manière est destructeur.
Tant qu’on n’a pas réparé la relation entre l’enfant et l’école, régulé son système nerveux, identifié ses déclencheurs et reconstruit son sentiment de sécurité ; chaque tentative de réintégration de l’école est une épreuve violente vouée à l'échec.
Chaque revers creuse un peu plus le manque de confiance et aggrave le sentiment de culpabilité.
« Mais si on attend trop longtemps, il va décrocher ! »
La plus grande peur des parents et des institutions, c’est que « s’il reste à la maison, il va se renfermer sur lui-même, il ne voudra plus jamais sortir. »
Effectivement, le risque de retrait est réel, mais forcer un ado à retourner prématurément à l’école est un risque bien plus grand : celui de réactiver le traumatisme.
Sortir de la phobie scolaire, c’est comme reprendre la marche après une fracture.
Il est impossible de courir un marathon dès le lendemain. On doit d’abord commencer par retrouver confiance dans son corps, reprendre progressivement appui sur sa jambe, jusqu’à pouvoir marcher sans douleur.
Pour laisser la phobie derrière soi, le processus est le même.
Le jeune doit d’abord retrouver la sécurité intérieure, sentir qu’il est écouté, compris et respecté.
Il doit savoir qu’il a le droit de prendre son temps et, surtout, qu’il n’a plus à lutter contre lui-même.
C’est cette sécurité retrouvée qui lui permettra de reprendre contact avec le monde extérieur, petit à petit, sans pression.
Le rôle essentiel des parents
Les parents sont souvent pris en étau entre, d’un côté, leur enfant en détresse, de l’autre, la pression de l’école, du corps médical, de la société dans son ensemble.
Ils veulent bien faire. Ils veulent aider leur enfant, mais, épuisés, ils se retrouvent, eux aussi, en état de stress chronique.
Soutenir un adolescent en phobie scolaire, c’est un parcours d’endurance émotionnelle.
Cela demande de la patience, de la confiance et beaucoup de douceur.
Voici ce que les parents peuvent faire, concrètement :
- Ne pas minimiser la peur (« ce n’est rien », « tu exagères »…)
- Ne pas imposer un retour tant que la sécurité n’est pas restaurée
- Créer un environnement apaisant à la maison (horaires stables, espace calme, routine douce)
- Valider les émotions de leur enfant sans chercher à les « corriger »
- Collaborer avec des professionnels formés à la phobie scolaire et à l’atypie
Le parent ne peut pas « sauver » son enfant tout seul. Il peut toutefois être le pilier de sécurité dont il a besoin pour se reconstruire.
Le rôle des professionnels : accompagner sans pression
Les enseignants, CPE, psychologues scolaires, éducateurs… jouent un rôle décisif.
Malheureusement, trop souvent, ils reçoivent peu ou pas de formation sur la phobie scolaire.
Ils appliquent des protocoles inadaptés, pensés pour des troubles anxieux « classiques ».
Or, la phobie scolaire n’est pas un trouble anxieux comme les autres.
C’est souvent l’expression d’un burnout atypique, d’un effondrement du système nerveux après des années de suradaptation.
Accompagner un adolescent en phobie scolaire, ce n’est pas tenter de le « remotiver ».
C’est comprendre l’histoire et les raisons de son effondrement afin de ne pas le remettre en danger.
C’est :
- Favoriser les aménagements progressifs (mi-temps, distanciel, accueil individualisé)
- Collaborer avec la famille et les thérapeutes
- Éviter les injonctions (« il doit revenir à l’école »)
- Privilégier l’écoute, la co-construction, la patience
Un adolescent qui se sent respecté et compris met beaucoup moins de temps à retrouver l’envie d’apprendre, car, cette fois, on ne le forcera plus à se trahir pour être accepté.
Le temps n’est pas un ennemi
Quand un jeune ne va plus à l’école depuis des mois, voire des années, on s’inquiète :
- « Il prend du retard. »
- « Il va gâcher son avenir. »
- « Il va décrocher. »
En réalité, tout n’est pas perdu.
Un adolescent peut retrouver le chemin de l’école ou alors reprendre des études différemment, se réorienter, se reconstruire.
Ce qui compte, ce n’est pas le respect du calendrier scolaire.
Le plus important, c’est sa santé mentale, son autonomie, sa confiance.
Il faut accepter que, parfois, pour se reconnecter, il faut tout arrêter pendant un temps.
Dormir. Se reposer. Respirer. Réapprendre à exister sans ressentir la peur.
Le temps, dans la phobie scolaire, n’est pas un ennemi : c’est un allié thérapeutique.
Chaque semaine passée à apaiser le système nerveux prépare un retour durable.
Chaque mois où l’on respecte le rythme de l’enfant évite qu’une rechute survienne plus tard.
Sortir de la phobie scolaire, c’est possible
Oui, je vous promets qu’on peut en sortir, mais pas en trois semaines, pas en faisant du forcing : en reconstruisant brique par brique ce sentiment de sécurité que l’école a brisé.
Sortir de la phobie scolaire, c’est poursuivre un chemin en trois temps :
-
Retrouver la sécurité
intérieure
→ Se reconnecter à soi, apaiser le corps, restaurer le sentiment de sécurité. -
Comprendre l’origine du
mal-être
→ Identifier les déclencheurs, les blessures scolaires, les sources d’épuisement. -
Recréer une alliance avec
l’apprentissage
→ Redonner du sens, explorer d’autres formes d’éducation, réinventer le rapport à la connaissance.
À chaque étape, l’accompagnement doit être fait sur mesure, en douceur, en étant profondément humain.
On ne sort pas d’une phobie scolaire par des injonctions, mais grâce à la compréhension.
Pour aller plus loin
- Téléchargez le guide
gratuit « Phobie scolaire : comprendre, apaiser, reconstruire »
Un outil complet pour les parents et les professionnels qui vous aidera à identifier les signes du burnout atypique et à amorcer un vrai chemin vers la sortie.
- Participez à la formation « Phobie scolaire : comprendre pour mieux
accompagner » – le 8 novembre 2025.
Une journée pour les pros et les parents qui veulent apprendre à agir autrement, sans forcer, sans culpabiliser et sans se précipiter, pour éviter la rechute.
En conclusion
Sortir de la phobie scolaire, c’est avant tout réapprendre à se sentir en sécurité.
Cela ne peut se faire ni sous la contrainte, ni dans la peur, ni dans la honte.
Un adolescent qui traverse une phobie scolaire ne cherche pas à fuir la vie.
Il cherche à survivre à un environnement qu’il ne supporte plus.
Notre rôle, nous adultes, n’est pas de le pousser à y retourner coûte que coûte, mais de l’aider à se reconstruire, lentement, profondément, durablement.
Oui, on en sort, mais jamais par la contrainte ; on en sort plutôt en respectant le rythme du cœur et du corps.
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