Parents : les grands oubliés de la phobie scolaire

Parents : les grands Oubliés de la phobie scolaire

Ils tiennent le choc en silence. Derrière chaque adolescent en phobie scolaire, il y a un parent à bout de souffle, épuisé de devoir tout porter. Cette charge invisible, personne n'en prend la mesure ; elle détruit pourtant. 

 

Un jeune en phobie scolaire, c'est tout un système familial qui tremble sur ses bases. On entoure l'ado, plus ou moins bien,. Tout le système s'occupe de lui. Il doit avant tout retourner à l'école, quelle que soit la raison de cette phobie scolaire.

Mais une détresse en cache une autre : celle des parents du jeune en phobie scolaire. Cette détresse-là, tout le monde l'ignore ou fait semblant de ne pas la voir.

 

Les parents de jeunes en phobie scolaire ne se plaignent pas. Ils encaissent, ils cherchent à comprendre, ils lisent, appellent une multitude de personnes, se fatiguent à aider leur enfant sans aide extérieure.
Ils assument tout cela en silence, sans reconnaissance, sans accompagnement.
Parfois même, ils sont sous le feu des regards accusateurs, des remarques condescendantes ou humiliantes. Les jugements à l'emporte-pièce sont légion, bien qu'ils y laissent leur santé physique et mentale.

 

Parce que oui : accompagner un enfant en phobie scolaire, c’est un travail à plein temps,.  Les émotions sont mises à rude épreuve, sans qu'on aie la possibilité de les partager. C’est une charge invisible, mais colossale. Elle détruit, lentement, ceux qui la portent. 

 

Quand tout s’effondre, continuer à fonctionner malgré tout.

La phobie scolaire, c'est un enfant qui ne peut plus passer la porte de son établissement scolaire.
C'est un jeune dont le système nerveux crie “danger” à chaque sonnerie, à chaque notification de Pronote, à chaque tentative de retour sur les bancs de l'école.

 

Alors que tout le monde essaie de "gérer" l'absentéisme de l'ado, le parent, lui, voit son enfant s’enfoncer, se couper du monde, perdre confiance, perdre goût à la vie.

 

C'est très difficile à vivre, car, malgré les circonstances, chaque parent sait qu'il n'a pas le droit de s'écrouler.

Il n'a pas d'autre choix que de continuer à gérer les rendez-vous médicaux, les certificats, les démarches administratives, les réunions avec l’école, les crises à la maison, le petit frère ou la petite sœur, le boulot, les factures… et de faire face au regard de la société.

 

Une société qui, au lieu de leur tendre la main, les culpabilise. 

 

Le coupable, c'est le parent, encore et toujours

Les parents d'enfants en phobie scolaire entendent trop souvent des phrases du type :

 

  • “Il ne veut plus aller à l'école ? Forcez-le à retourner en classe.”
  • “Vous devez tenir bon.”
  • “Il faut être plus ferme, c'est votre rôle.”
  • “S’il ne va plus à l’école, c’est que vous avez laissé faire, vous avez tout lâché.” 

Que de violence dans ces propos !

C'est  nier la réalité de ce qui est vécu par la famille. C'est nier la souffrance du jeune. C'est écraser le parent sous une charge morale insoutenable : celle d’être responsable du naufrage.

 

Car dans l’imaginaire collectif, un bon parent, c’est celui dont l’enfant s’intègre, réussit, va à l’école, est conforme ; en un mot, un enfant  bien élevé.

Alors, quand son enfant décroche, on se retrouve face à une double peine : notre enfant souffre, et nous, nous sommes suspectés de mal l’élever.

 

Ce sentiment d’impuissance et de culpabilité, c’est un poison lent, persistant, constant, qui ronge inexorablement. 

 

En état d'hypervigilance permanente

Vivre avec un enfant en phobie scolaire, c’est vivre dans une tension chronique.

Chaque matin est une épreuve à affronter, chaque soirée une veille de bataille à contenir.

On se couche en pensant : “Et demain ? Comment ira-t-il ? Va-t-il manger ? Dormir ? Tiendra-t-il le choc ?”

On ne dort plus vraiment, on ne respire plus vraiment.
On est sur le qui-vive, toujours prêt à intervenir, à calmer, à soutenir, à anticiper la prochaine crise.

 

Leur système nerveux reste en alerte permanente, parfois pendant des mois, des années.

Petit à petit, jour après jour, le parent s'éteint, telle une bougie.
Tu deviens un parent automate : fonctionnel, mais vidé de toute substance.

 

Cette hypervigilance, c’est la cause principale du burn-out parental lié à la phobie scolaire.

Personne n’en parle vraiment, ou mal, parce que tout le monde porte son attention ailleurs : vers l’enfant.

Bien sûr, c'est normal de s’occuper de lui. Il est une priorité incontestable.

Mais, si le parent s’écroule, plus personne n'est là pour diriger la barque. 

 

Le parent reste le pilier… jusqu’à l'effondrement

Ce qu’on oublie souvent, c’est que ces parents ne sont pas juste des aidants, car ils revêtent plusieurs costumes :

thérapeutes, médiateurs, éducateurs, assistants sociaux, infirmiers, coordinateurs de parcours…, la plupart du temps sans formation, sans relais, sans soutien psychologique et sans pause.

 

Ils passent leurs soirées sur des forums ou à lire des livres, leurs matinées à écrire des mails à l’école, leurs après-midis à chercher un professionnel “qui comprend”, et leurs nuits à pleurer en silence, de peur que leur enfant les entende.

 

Leur couple s’étiole. Leur vie sociale disparaît. La famille s'égaille.
Leur carrière en prend un coup, leur santé aussi, souvent : somatisations, fatigue chronique, crises d’angoisse, isolement, culpabilité, honte… tout y passe.

 

C'est la réalité de la vie de parent de jeune en phobie scolaire. Je n'invente rien, j'en accompagne un grand nombre.

 

La réalité, c'est qu’on ne peut pas porter un système entier sur ses épaules. 

 

Les parents, abandonnés par le système

Les dispositifs d’aide pour les parents sont quasi inexistants.

Les professionnels ne sont pas formés à la phobie scolaire, encore moins à la réalité du burn-out parental qui en découle.

C'est vrai, on leur propose des ateliers “parentalité positive”, des groupes de parole, des injonctions à “lâcher prise” ou à “faire confiance au système”. Mais, demandons-nous si c'est de cela qu'ils ont besoin.

 

C'est vrai, comment peut-on lâcher prise quand son enfant dit qu’il veut mourir ?

Comment “faire confiance” à une institution qui  renvoie l'ado à l’école alors qu’il est en état de détresse post-traumatique ?

 

Ne parlons plus d’un manque de volonté parentale. Parlons d’un manque de reconnaissance institutionnelle.

Ces parents sont les oubliés d’un système qui a tendance à blâmer plutôt qu’à s’interroger.

Ce système sociétal devrait trouver des solutions concrètes et pérennes pour aider ces parents à aider leurs enfants.

 

L'échec n'est pas parental, il est collectif

Chaque fois qu’un enfant décroche, c’est le signal d’un système qui ne s’adapte pas.

Chaque fois qu’un parent s’effondre, c’est la preuve que ce système fait reposer la responsabilité sur eux seuls, jusqu’à les broyer.

 

La phobie scolaire n’est pas un caprice de jeune en crise d'ado. C’est souvent le symptôme d’un environnement inadapté à la neurodiversité, à la sensibilité, à la surcharge sensorielle, au stress chronique.

Au lieu de transformer le cadre de vie, on laisse les familles se débrouiller seuls, sans moyens.

 

Le message implicite est clair : 

  • “À vous de trouver une solution.”
  • “À vous de supporter.”
  • “À vous de réparer ce que le système a cassé.”

 

Et ces parents le font du mieux qu'ils peuvent, jusqu’à se perdre eux-mêmes. 

 

Ce qu'on peut changer

Il est temps d’arrêter de traiter la phobie scolaire comme une défaillance individuelle et de la regarder pour ce qu’elle est : un signal d’alarme collectif, sociétal.

 

L'urgence, c'est la nécessité de : 

  • Former les professionnels de santé et d’éducation à la phobie scolaire et à la neuroatypie.
  • Reconnaître la charge mentale et émotionnelle des parents comme une réalité à part entière.
  • Proposer un accompagnement spécifique pour les parents : soutien psychologique, groupes encadrés, temps de répit.
  • Créer de véritables passerelles entre école, médecine et accompagnement alternatif, pour éviter que les parents deviennent les seuls coordinateurs.

Surtout,  il est urgent de changer le discours social : arrêter de culpabiliser, commencer à écouter. 

 

Redonner une place au parent… sans le sacrifier

Le parent n’est pas un problème à corriger, ni un rouage défaillant.

 

C’est la seule personne qui, dans le chaos, continue d’aimer, de comprendre, de se battre pour son enfant.

Cet amour parental, pour autant, ne doit pas s'exercer au détriment de leur santé mentale.

 

Il est temps de redonner à ces parents le droit à la fragilité, le droit au soutien, le droit à l’épuisement sans honte.

Ce qu'il faut comprendre : tenir seul face à tous, ce n’est pas de la force. C’est de la survie.

 

Aucune famille ne devrait avoir à survivre au sein d'un système censé la protéger. 

 

En conclusion

La charge invisible des parents d’enfants en phobie scolaire, c’est le miroir d’une société qui refuse encore de voir le résultat de ce qu’elle produit.

Tant qu’on continuera à nier la souffrance des jeunes et à culpabiliser leurs parents, on entretiendra la spirale du burn-out familial.

 

Néanmoins, ce n’est pas une fatalité.

Pour que ça change, il est souhaitable d'arrêter de demander aux parents de “tenir bon” .

Ce qu'ils ont besoin d'entendre, c'est  : 

Vous n’êtes pas seuls. Vous n’avez pas à tout porter. Ce n’est pas à vous de réparer ce que l’école a brisé.” 

 

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